Tout commence en 2018 : sept jeunes femmes, fraîchement diplômées de la formation dispensée par la Cité Internationale de la Tapisserie, décident de prolonger l’aventure collective initiée sur les bancs de l’école. Elles créent alors une structure associative pour pouvoir tisser ensemble, tout en conservant leur indépendance.
Elles s’installent dans un vaste appartement en plein cœur d’Aubusson, dans lequel elles montent un métier de basse-lisse et aménagent leurs espaces de travail. Un lieu partagé, vivant, propice à la création et à la coopération. Si aujourd’hui le collectif regroupe trois lissières – Aurélie Chéné, Cloé Paty et Marion Subert – l’esprit de l’atelier demeure inchangé : travailler à plusieurs mains, dans un souci d’exigence, de liberté et de complicité.
À travers leurs tapisseries, le Collectif Just’lissières explore les ponts entre art textile et création contemporaine. Qu’il s’agisse de reproductions de style ancien, de pièces murales, de tapis ras ou d’œuvres monumentales, chaque projet est une aventure humaine et artistique. Elles tissent en direct avec les artistes : peintres, photographes, designers, plasticiens… cherchant ensemble la meilleure manière de transposer une intention dans le langage du fil.
Dès leurs débuts, elles sont soutenues par la Cité de la Tapisserie, qui leur confie la réalisation de la première œuvre textile de l’artiste franco-tunisien El Seed. Une calligraphie monumentale, hommage à Jean Lurçat et message de paix universelle, qui impose d’emblée des défis techniques passionnants : finesse des tracés arabes, subtilité des couleurs, richesse des matières. La tapisserie prend forme, lentement, fil après fil, fruit d’un dialogue avec l’artiste et d’un savoir-faire partagé entre lissières, teinturier et filature.
Depuis, les Just’lissières poursuivent leur travail avec une énergie joyeuse et une attention constante aux détails. Elles participent à la collection des Carrés d’Aubusson, un programme mené avec des galeries contemporaines, et réalisent également des pièces sur commande, comme la tapisserie du photographe Mehryl Levisse, à la croisée du Moyen Âge et de l’avant-garde.
Le collectif puise dans les racines de la tapisserie d’Aubusson – près de six siècles d’histoire, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO – tout en apportant un regard neuf et audacieux. Elles travaillent exclusivement en basse-lisse, sur des métiers horizontaux, où l’image se construit à l’aveugle, guidée par un carton placé sous la chaîne. Le motif, inversé, se tisse lentement, sans jamais être visible dans sa totalité… jusqu’au jour de la tombée de métier, moment suspendu où l’œuvre enfin se révèle.
Tisser ensemble, c’est leur manière de raconter le monde : un fil tendu entre les traditions d’hier et les visions d’aujourd’hui, entre le geste rigoureux et la sensibilité artistique, entre l’individuel et le collectif. Le Collectif Just’lissières façonne ainsi un territoire textile vivant, où chaque tapisserie devient le fruit d’une rencontre et le reflet d’un engagement partagé.
